C’est surtout une perte sèche pour l’Etat qui voit ainsi la frange la plus productive et créatrice de sa population active se retrouver sans activité, donc sans contribuer à l’élaboration de son produit intérieur brut (PIB) comme cela aurait pu être le cas, au regard de l’effort d’investissement fourni par la puissance publique en faveur de ce secteur chaque année.
En 2022, pour peu que le gouvernement respecte l’exécution de la loi des finances, c’est près de 237 milliards de FCFA consacrés au secteur de l’éducation nationale. Il faut y ajouter près de 60 milliards de FCFA pour financer les bourses d’études octroyés aux différentes catégories d’apprenants. C’est un chiffre qui est plus ou moins constant ces dernières années en ce qui concerne l’effort de l’Etat en matière d’éducation de sa jeunesse. En. Dernier chiffre officiel connu, cela avait représenté près de 3,2 % du PIB du Gabon. Il faut y ajouter plusieurs autres milliards de FCFA de fonds privés, mobilisés par les parents d’élèves eux-mêmes pour pallier les insuffisances de l’Etat. Ce sacrifice ne semble préoccuper l’Etat, qui s’accommode parfaitement des 100 000 jeunes Gabonais au chômage malgré leurs cursus universitaires irréprochables.
Les signaux d’alerte donnés à chaque avis de concours de recrutement lancé par l’Etat ne l’interpellent pas plus au regard du niveau inhabituel d’engouement que suscitent ces annonces auprès des jeunes diplômés. L’Ecole de magistrature (ENM) voulait recruter 100 élèves magistrats, près de 4500 candidats se sont présentés. L’Institut national de formation d’action sanitaire et sociale (Infass) veux 500 postulants à orienter dans les différentes filières de la santé. Ils seront près de 9200 jeunes à s’y précipiter. Les mêmes ratios se retrouvent dans les recrutements auxquels ont procédé la Garde républicaine, la police et la gendarmerie. Ces seuls chiffres auraient dû conduire l’exécutif à une prise de conscience quant au malaise qui prévaut au sein de cette catégorie de la population active, biens formés mais sans-emplois. L’excuse officielle de l’inadéquation formation emploi ne peut plus être un paravent sans cesse avancé par le pouvoir pour se donner bonne conscience. Surtout que rien n’est fait en amont depuis lors pour modifier cette donne.
Le système scolaire reste calé aux fondamentaux de la période coloniale durant laquelle la mère patrie – la France – voulait surtout des administratifs pour l’aider à gérer les colonies. Il fallait pour cela développer un enseignement général capable de produire des esprits sachant lire et écrire. Il est urgent dès lors de prendre l’enjeu du chômage des jeunes à bras-le corps pour en faire une priorité nationale. Les mécanismes qui existent actuellement sont loin de répondre au défi du moment. L’Office national de l’emploi (ONE) s’y est risqué avec son programme « taxis ». Outre qu’il s’agit là d’une véritable escroquerie morale voire d’une moquerie pour les jeunes diplômés qui s’y sont engagés. Un Etat sérieux ne met pas en jeu près de 300 milliards de FCFA en moyenne par an pour sortir au bout de cinq années d’études universitaires une cohorte de chauffeurs de taxis. Ce programme taxis est très usuraire au point qu’un véhicule acheté 9 million de FCFA est remboursé à la micro-banque qui avait concédé ce financement, près de 25 millions de FCFA selon nos sources. Au bout du compte même avec toute la bonne volonté du monde, un jeune ne pourra pas diversifier ses investissements ou ses activités à par des ressources que devraient lui procurer cette activité. Idem pour les centres de formation professionnelle ouverts un peu partout au Gabon. Ils sont en nombre insuffisants et visent surtout à régler cette problématique dans le long terme. Or, l’ingénieur, le médecin le sociologue ou le philosophe actuellement au chômage veulent des solutions immédiates. Le gouvernement a initié des assis de la vie chère. Il gagnerait plutôt à mettre en place un agenda identique avec les jeunes concernés pour mettre à plat les raisons qui rendent le marché du travail aussi rigide, malgré l’adoption d’un Code du travail ultralibéral qui donne tous les pouvoirs aux employeurs. Nonobstant la présence de nombreux expatriés à certains postes au nom de la coopération, alors même que nombreux jeunes Gabonais nantis des même diplômes, capables d’exécrer ces missions parfois à moindre coût, sont sans activité. Ce sujet doit être au cœur des prochains politiques publics. Il y a véritablement urgence.